vendredi 12 octobre 2012

corazon de mi patria

première visite au venezuela, et première vraie grosse mission pour l'afp.
mes chefs avaient la trouille et ne voulaient pas m'y envoyer (trop bleusaille).
heureusement, mes petits copains francophones de la région se sont ligués pour refuser d'y aller, du coup, l'afp a dû se contenter de moi.

une semaine sur place, pour l'élection présidentielle du 7 octobre.
j'ai tellement écrit dans mes papiers précédents que chavez allait gagner mais moins largement que d'habitude que si le zozo met 20 points dans la vue à l'aut' zig ou qu'au contraire, le candidat de "la bourgeoisie apatride" remporte la mise, je passe pour un con.
quel que soit le résultat, ça aura été l'occasion d'un premier contact avec ce drôle de pays, tellement cité et si mal connu (ps: ultima noticia - il a gagné avec 55% des voix et une participation de plus de 80%).

quelques impressions:




1/ chavez est malade dans sa tête.
totalement mégalo, élu et réélu, certes, mais avec sa bobine dans toutes les administrations, institutions, télévisions.
le rouge prédomine partout dès qu'on quitte les quartiers riches de caracas (je n'ai pas été à la campagne), ses sympathisants lui vouent un culte hallucinant, toute mesure, toute critique, toute bonne foi a disparu du discours politique et médiatique.
on est pour ou contre, quasiment plus d'entre-deux.

jeudi, on était à son dernier meeting de campagne.
des centaines de milliers de personnes dans le centre de caracas (un million disent certains, totalement invérifiable), un déluge de flotte sur une marée rouge.
les gens arrivent des heures avant, pire que pour madonna, dans des bus affrétés par des facs, des syndicats, des partis, des administrations, dans un joyeux mélange des genres entre état et parti socialiste unifié du venezuela (psuv, le parti de chavez).
en europe, n'importe quel candidat qui ferait ainsi campagne avec les fonds de l'etat serait disqualifié d'office, ici, c'est normal.

quand après des heures d'attente sous la soleil puis la flotte, le zigoto apparait enfin sur scène.
hystérie.
mais vraiment.
musique à fond, pétards, fumigènes, canons à confettis, hurlements de la foule.
il commence par chanter.
puis il ne dit rien, il harangue, comme dans un stand-up, répète "patria" ou "chavez" ou "alegria" à tout bout de champ, fait insulter son adversaire, promets des trucs qu'il n'a pas fait depuis 14 ans qu'il est élu...
et ça marche.
ça trépigne, ça hurle, ça pleure, ça révère, ça vénère.
un show.
un culte.


2/ le pays, en tout cas caracas, c'est déglingué, bruyant, pollué, moite, ça ressemble à l'amérique du sud.
malgré les accusations de l'opposition (de droite comme de gauche), il y a encore de grandes entreprises présentes dans le pays (des affaires à faire dans la patrie du socialisme du 21e siècle...), et le quartier business est hérissé d'impressionnants buildings.
c'est une vraie ville (encore une, comme toutes celles que j'ai visitées depuis un an, hormis montevideo...), en longueur, bordée par une montagne.
très vert.
des bidonvilles impressionnants qui grignotent les collines (et la ville est cernée de collines), des immeubles de très haut standing, des autoroutes aériennes en béton, des 4x4 aux vitres fumées, des vieilles bagnoles américaines sorties de séries télé qui doivent consommer 25 litres, des mendiants couverts de seyantes plaques rouges sur la peau, toute une population métissée.

le royaume de la bagnole, aussi.
le plein d'essence coûte... 1 dollar (et encore, au marché officiel, parce que si tu changes dans la rue, ça te fait deux pleins, pour un dollar !)
passage clouté ou pas, à pied, tu gares tes miches.
dans l'ensemble, ils votent chavez mais se comportent comme des américains: consommer.
encore que ceux qui ont les moyens de consommer sont pas vraiment ceux qui votent chavez...
mais la révolution est bonne mère (et le pétrole aussi), du coup, on peut tout trouver à des prix subventionnés par des organsimes liés à l'état.
c'est comme ça que jusque dans les favelas (barrios), on trouve des télés écran plat de 40 cm ou des frigo dernier cri.
chinois, mais dernier cri.

3/ la nuit, tu mets pas un pied dehors.
avant de marcher 500 mètres dans la rue après 20h00, tu demandes conseil.
paranoïa ou sage précaution, toujours est-il que la dangerosité de la ville est constamment évoquée.
même si comme au brésil, le taux d'homicide effectivement hallucinant concerne surtout des jeunes des bidonvilles qui se tuent entre eux, généralement le week-end, et généralement les week-end où sont versés les salaires (deux fois/mois).
bon, comme on était des bleu-bites et qu'on aime pas la parano, on rentrait à l'hôtel à pied après le boulot. mais en évitant de trimballer nos portables. et dans le quartier chic (à l'est de la ville - l'ouest, c'est chez les pauvres)

4/ chavez.
impossible de causer du venezuela sans causer de chavez.
plus je suis renseigné, moins je pense que j'aurais voté pour lui à la présidentielle (et encore moins pour son opposant, soyons clairs !)
quelques jours sur place, des lectures, des rencontres, laissent penser - constater - que beaucoup de choses sont commencées, mais jamais menées à terme.
et surtout que ce monsieur à une soif de pouvoir inextinguible, une manie de l'omnipotence.
sarkozy, à côté, il se mêlait de rien, un modèle de retenue.

le gros problème, c'est qu'il subventionne tout, mais ne produit rien.
alors oui, les pauvres ont de grosses télés ou vont à l'université grâce à des bourses.
mais si après, ils vont bosser au brésil, aux états-unis ou en europe, il ne règle rien.
par exemple, pour la santé, il fait installer des postes de santé avec des toubibs cubains dans les bidonvilles.
mais les hôpitaux sont toujours aussi pourris.
il a aussi exproprié des entreprises, des terres, des fermes.
et au final, la production agricole chute, le pays importe tout ce qu'il mange et les rayons manquent régulièrement de sucre, de lait, de papier toilette...
une mentalité de rentier, le drame de tous les pays pétroliers.
comme le reconnaît chavez lui-même.

plus généralement, toutes les aides sont distribuées par des organismes parallèles à l'état, placés sous son autorité, sans aucun contrôle indépendant (la notion d'indépendance n'existe même plus dans le pays).
c'est la définition de base du clientélisme, dans un pays normal.
là, non, mélenchon trouve ça merveilleux.

chavez, c'est le président de l'espérance.
en votant pour lui, les pauvres espèrent avoir une maison, espèrent aller à la fac, espèrent, espèrent, espèrent...
c'est vrai, et c'est sa grande réussite, il a contraint le pays à enfin regarder et tenir compte de ses pauvres.
peu importe si c'est suivi de résultats (et ça l'a été dans beaucoup de domaines, mais seulement en partie, ou vite fait mal fait, comme pour certaines maisons, ou à la gueule du client - c'est mieux de porter un t-shirt rouge si tu veux un poste de fonctionnaire, par exemple), il parvient à transmettre et entretenir l'espoir.
et l'espoir fait vivre.


venceremos !

Photos Caracas octobre 2012


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire