le pérou. lima.
bordel, c’est grand, c’te ville !
et y’a tout
plein de gens avec des tronches, des vraies tronches.
des Indiens (à poncho, pas à plumes), des métis, des
Blancs, des marrons plus ou moins cuivrés, des grands, des petits, des filles
sexy ou pas et des gars laqués.
une mégaville.
qui trépigne, qui klaxonne, qui stridule (uniquement
chez les riches, chez les pauvres, les criquets, ils les bouffent), qui enfle
(9 millions d’habitants, un tiers de la population quasiment), qui grouille
parfois (les trottoirs envahis de vendeurs ambulants de bonbons, piles, plumeaux, journaux, empanadas, de passants, de cambistes
en gilets bleus, de serveurs en livrée coiffés comme evo morales qui guettent
le client).
du monde, de la couleur, de la misère (bien faite), du
luxe, de la diversité, des fils électriques qui pendent partout, des minibus
ravagés et bondés , des surfeurs, de la grosse bagnole et du rickshaw, de la gastronomie, de
l’architecture coloniale et des immeubles de verre face à l’océan.
étouffant et libérateur à la fois. C’est parfois le
calme, le silence et l’homogénéité, qui angoissent (si vous voyez ce que je
veux dire… ah non, nous ne voyez pas, je n’ai pas encore envoyé de message sur
montevideo ! ok, c’est le prochain, avec l’argentine).
pour situer le bazar, Lima est perchée sur une falaise
(un peu friable, j’ai trouvé) au-dessus du pacifique (frais à cause du courant
de humboldt mais aussi très poissonneux, au cause du même), cernée de montagnes
arides, marron, poussiéreuses, sergio-leonesques, sur les flancs desquelles s’étendent
à peu les bidon-villes (ciudad joven), parfois peints de couleurs très flashy
(ça fait de très belles photos pour le touriste muni d’un bon zoom : on va
quand même pas aller sur place !)
la ville où il ne pleut jamais, dit-on (mais où l’hiver,
tu as les pieds sur le trottoir et la tête dans les nuages pendant 5 mois).
après deux jours chez le copain de l’afp qui m’hébergeait
à Lima, départ pour cuzco, le dimanche, cité impériale inca et départ de la
ligne de chemin de fer qui mène au machu picchu.
survol des andes enneigées, arrivée à l'aérogare de brive un
soir de novembre (mais en plus froid, on est à 3.300 m).
incroyable qu'un endroit qui accueille autant de
touristes soit encore aussi artisanal. mais tant mieux.
à peine descendu d'avion, la retape commence (et ça ne
s'arrêtera pas jusqu'au retour): taxi ? hôtel ? guide ? circuit touristique ?
artisanat ? massages (visiblement, c'est aussi une des spécialités locales)...?
un peu oppressant et plus on se rapproche du machu,
plus on est sollicité.
coincée dans une vallée, tout en longueur.
la ville
historique est en haut (je suis nul en points cardinaux). de l'église
catholique en veux-tu en voilà, posée sur les fondations de constructions
incas (très sympa, aussi, l'histoire de la colonisation espagnole du pérou...
je ne sais pas si y'en a beaucoup qui ont atteint le degré de saloperie des
espagnols au XVIe siècle), qui se remplissent toutes à 19h00 (les vêpres ? je
suis nul en messes), mais qui se remplissent d'indiens (oui, il en reste un bon
peu, genre 40% de la population du pays, les espagnols n'ont pas réussi à tous
les faire crever aux mines ou de la variole). et des indiens, des vrais, comme
à la télé: les jupes, les chapeaux, les ponchos multicolores...
dès qu'on sort un peu des quelques rues hyper
touristiques, on est chez eux. partout des femmes (et des enfants, superbes,
avec les gestes sûrs de qui travaille depuis longtemps déjà) qui vendent à même
le sol des herbes bizarres, des mousses, des piments (aji ou rocoto), des
oignons, des tomates, des patates (un pays qui a inventé la patate et en cultive encore des
centaines de variétés ne peut-être que cher à mon cœur).
dans une ruelle, un marché. de chaque côté, des
échoppes. une odeur insoutenable (conjuguée aux vertiges dus à l'altitude): la
viande posée sur des étals en plein air. noire, la viande. entrs les pavés, des filets de sang. ça vous soigne du
steak tartare pour un moment. en plus, ils ont même pas de câpres.
mangé un bout dans une gargote infâme. je suis sûr
qu'ils m'ont servi le poulet violacé qui prenait l'air ventre ouvert dans la
ruelle d'à côté. en plus, le gosse commence par me servir un bol de bouillon
(caldo) qui doit mijoter depuis l'ère précolombienne. je vais me retrouver avec
une griffe de poule entre les chicots et la turista en prime.
mais même pas mort.
le lendemain, balade en ville, balade sur les hauteurs
(on bout de dix pas, essoufflé - les marlboro doivent pas aider à combattre le
soroche (le mal des montagnes)). arrivé au sommet d'une montagne qui domine la
ville, au pied d'une sorte de christ façon rio (taille réduite), atahualpa
yupanqui (les anciens élèves de mme boix se reconnaitront) me chope pour me
chanter la sérénade avec sa petite guitare à 18 cordes (bandera ?). il a eu la
bonté de m'épargner el condor pasa. il a gagné ses cinq soles (la monnaie
locale).
le
lendemain, réveil à 6h00 pour aller prendre le
train pour machu picchu. sauf que le train, il part de poroy, pas de
cuzco. et
il arrive à aguas calientes, pas au machu. moralité, taxi et re-taxi.
mais taxi
en zone touristique, pas taxi au centre de lima (tiens, ils ont pas de
compteurs à lima, le prix de la course se négocie avant de monter). les
salopiots savent
rentabiliser la manne étrangère...
trois heures de train brinquebelant au fond d'un
canyon, sommets magnifiques, traversée de petits villages perdus tout en adobe
(non, pas photoshop, les briques en terre crue et paille), coupés du monde. Ou plutôt,
un monde à part. c’est quoi, l’avenir (et même le présent), quand on a 20 ans, dans ces coins ?
et arrivée à aguas calientes.
aguas calientes ? une sorte de station de ski des alpes,
ou lourdes, matinée de montmarte et de quartier latin: l'enfer touristique.
dernière étape avant le graal. pas un pas de porte qui ne soit un commerce. je
les soupçonne même de vendre des ponchos péruviens made in china... mais étape
obligée si on ne veut pas monter au machu picchu avec la horde descendue du
train. avant de me réveiller à 4H30 du matin pour commencer l'ascension à pied
à 5H00 et être sur zone à l'ouverture, j'ai mis à profit mon après-midi pour
aller arpenter la compagne environnante.
2.000 m (au fond de la vallée), les montagnes
couvertes de forêt tropicale. marché deux-trois heures le long
d'un torrent monstrueux et d'une voie de chemin de fer.
personne. et de loin en loin, un indien ou trois, en
train de porter des sacs de sable. perdus dans la jungle. ils ont paumé un pari ? des intellos maoïstes
en cours de reconversion ? que nenni: ils extraient le sable du lit du torrent
et le ramène vers la gare. pourquoi il n'y a pas de wagons pour leur éviter de
marcher une heure avec 40 kilos sur le dos (puisqu'il y a des rails) ? on ne
saura pas. en tout cas, entre ça et le travail infantile, ils ont beau afficher
7% de croissance, ils ont pas le cul sorti des ronces, quand même (ce qui ne
les empêchent pas d'avoir des boutiques de portables à tous les coins de rue et
le wifi dans tous les hôtels).
bon, c'est pas le tout, mais demain, y'a carte
postale.
(ah, au fait, une précision: on nous fait des tartines
avec les incas, mais d'abord, c'est pas si vieux que ça (genre 1200/1500 après
Jean-Claude) et nous, à leur âge, on avait la roue, le fer, l’écriture et la
clé de voûte depuis belle lurette. alors camembert, les z'incas).
mercredi 21.
réveil aux z’horreurs.
petit déj à 5H00, départ pour el machu picchu à 05h15.
une demi-heure de marche puis une heure d’escaliers,
tout droit, 400 m de dénivelé. Deux flacons de ventoline plus tard, me voilà l’entrée.
J’entre. Je marche les yeux au sol, envie de voir, mais en même temps, envie d’attendre
d’être vraiment dans le bordel pour en prendre plein la vue du premier coup.
ça le fait presque : on arrive par la partie
haute du site, mais pas exactement complètement au-dessus. Pour ça, il faut
marcher encore. Je marche. Jusqu’à la porte du soleil (une heure au-dessus du
machu, petites ruines, normalement, si tu te places là, non, ouais, voilà, et
que tu regardes par là, voilà, ben tu vois le soleil se lever dans l’axe de mes
genoux. Nan ? ah. Bon, en fait, le soleil est levé depuis longtemps et en plus
il y a des nuages. Mais quand ils se lèvent à leur tour, wouah !!! Là,
oui. Une vue générale sur les ruines, mais surtout, sur les sommets autour. Parce
que le plus impressionnant, c’est la localisation de la cité : plantée sur
un piton rocheux, cernée de terrasses, piton lui-même entouré de sommets
impressionnants. 3.000 m et plus, couverts de végétation tropicale.
c’est bon, j’ai ma carte postale.
pique-nique, un p’tit coup de fil à qui il faut (oui,
les incas, réputés pour leurs infrastructures, avaient installé un relais
téléphone – il ne leur manquait plus que l’électricité…) et redescente dans la
cité proprement dite. Touristique, of course, mais à la rigueur, c’est presque
joli, tous ces ponchos en plastique multicolores (il pleut, il pleut plus, il
pleut…) qui déambulent sur les terrasses grises.
chacun peut s’émerveiller de ce qu’il veut (l’aspect
mystique, géographique, religieux, architectural, urbanistique…), pour ma part,
c’est la précision de l’agencement des pierres grandes pour certaines comme un
homme et qui s’emboitent parfaitement (et sans mortier, juju, sans mortier !)
alors qu’ils n’avaient aucun outil pour les tailler et les déplacer. Mais ils
avaient des exonérations de charges sociales sur la main d’œuvre...
rentré à montevideo le 24 dans la nuit. personne dans l'avion. j'ai eu deux deux plateaux repas. joyeux noel !